Archive pour juin 2012

29
Juin
12

10 ans de mobilisation continue

Chaque minute, deux personnes meurent dans le monde à cause de la violence armée. En réaction au constat de ce coût humain catastrophique, la société civile a pris conscience de la nécessité de se mobiliser pour en finir avec cette situation révoltante en militant pour  l’adoption d’un véritable texte juridique qui permette de contrôler le commerce des armes au plan international. L’idée : responsabiliser ce commerce pas comme les autres pour protéger les droits humains.

Tout commence vraiment en 1997 quand des lauréats du prix Nobel de la paix avec le soutien d’ONG, dont Amnesty International, réclament un Code de conduite sur les transferts internationaux d’armes. Trois ans après en 2000, des ONG élaborent avec l’aide de juristes et des associations humanitaires, le premier « Projet de convention-cadre sur les transferts internationaux d’armes », un texte qui formera plus tard la base des principes généraux régissant les transferts d’armes devant se retrouver dans le futur traité.

En octobre 2003, une coalition d’un grand nombre d’ONG, avec à sa tête Amnesty International (droits humains), Oxfam (développement) et le Réseau d’action internationale des ONG sur les armes légères (violence armée), lance la campagne mondiale « Contrôlez les armes » dans plus de 70 pays. C’est un grand combat qui s’annonce alors pour convaincre les Etats de la nécessité d’adopter un traité qui permettrait de réguler le commerce des armes –un traité international sur le commerce des armes classiques (TCA). En effet, cette année là, seuls six Etats y sont favorables (le Brésil, le Cambodge, le Costa Rica, la Finlande, la Macédoine et le Mali). L’Union Européenne les rejoint en octobre 2005 quand elle annonce son soutien à l’adoption d’un texte juridique visant à réglementer le commerce des armes. La même année la France rejoint le mouvement en cours.

En juin 2006, trois ans après le lancement de la campagne, la pétition du « Million de visages », rassemblant les photographies d’un million de personnes du monde entier est remise au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan. Et en décembre, l’Assemblée générale des Nations unies vote pour la première fois en faveur d’un processus onusien d’élaboration d’un TCA. Un vote qui s’est fait avec une majorité écrasante : 153 Etats lui ont apporté leur soutien, pour 24 absentions et 1 seule voix contre, celle des Etats-Unis.

Fin 2009, le principe du TCA est définitivement validé par 151 Etats. Les Etats-Unis se positionnent favorablement et rejoignent enfin le processus d’adoption. Une vingtaine d’Etats (dont la Russie, la Chine, l’Egypte ou encore l’Inde) restent sceptiques et se sont systématiquement abstenus. Seul le Zimbabwe se positionne alors contre.

En juillet 2010, les Etats démarrent au siège des Nations unis le premier cycle de négociations en vue de l’adoption d’un TCA efficace, une adoption prévue pour l’année 2012. Ils se réunissent alors à cinq reprises dans le cadre des réunions du comité préparatoire avant la conférence finale de négociations. Cette conférence finale s’ouvre lundi prochain à New York et s’achèvera le 27 juillet avec la possible adoption d’un traité sur le commerce des armes qui permettrait de sauver des milliers de vies. Amnesty International sera présente au siège des Nations unies avec une délégation d’une trentaine de personnes dont Aymeric Elluin, chargé de campagne armes et impunité à Amnesty International France (7 juillet au 23 juillet). Le mouvement est mobilisé pour que les droits humains soient au cœur du texte adopté. C’est une opportunité historique de réglementer le commerce de l’armement, la communauté internationale ne peut pas passer à côté.  Souhaitons que la conférence reste ouverte aux ONG tout au long des négociations à l’inverse du salon de l’armement Eurosatory.  Nous vous invitons à rester mobilisés et suivre les négociations via le site amnesty.fr, la page Facebook d’Amnesty International consacré au traité. Merci à tous pour votre mobilisation !

20
Juin
12

Nouvelles preuves de représailles meurtrières en Syrie

Amnesty International vient de publier un nouveau rapport intitulé Deadly Reprisals dans lequel de nouvelles preuves de violations généralisées et systématiques perpétrées par le régime syrien contre les populations civiles sont mises à jour.

Au cours des derniers mois, la situation semble avoir évolué vers un conflit armé dans différentes parties du pays. Les confrontations armées entre les forces gouvernementales et les groupes armés de l’opposition sont devenues plus communes, la fréquence et la brutalité des représailles du gouvernement contre les villes et villages soutenant l’opposition ont aussi augmenté. Ceci dans le cadre d’une politique gouvernementale visant à se venger de groupes soupçonnés de soutenir l’opposition et à intimider la population dans le but de la forcer à se soumettre.

Lors des récentes enquêtes sur le terrain, Amnesty International a trouvé de nouvelles preuves inquiétantes de graves violations dont la plupart sont constitutives de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Des crimes perpétrés par l’armée syrienne dans les villes et villages autour d’Idlib et Alep ainsi qu’au nord-ouest de Hama entre fin février et fin mai 2012. Villes et villages sont sous le siège de troupes qui tirent indistinctement vers ces zones et visent ceux désirant y entrer ou en sortir.

Partout, les habitants ont décrits à Amnesty International des raids répétés menés par les forces armées et les milices qui balaient  la zone avec des douzaines de tanks et de véhicules blindés et, dans certains cas, soutenus par des hélicoptères de combat tirant sans distinction sur les civils fuyant la zone. Des hélicoptères d’attaques dont Hillary Clinton a récemment dénoncé la livraison par la Russie au régime de Bachar-al-Assad ainsi qu’Amnesty International.

Les familles des victimes ont décrit à Amnesty International comment leurs proches ont été traînés hors de chez eux et abattus par des soldats qui dans certains cas ont mis feu au corps des victimes. Des soldats et des membres des milices chabiha ont brûlé des maisons et des immeubles, et tiré sans discernement sur des zones résidentielles, tuant et blessant des passants civils. Les personnes arrêtées, y compris des personnes malades ou âgées, ont été systématiquement torturées, parfois à mort. Beaucoup ont été soumises à une disparition forcée et il est aujourd’hui impossible de savoir ce qui leur est arrivé.

Parmi les victimes, trois frères Yousef, Bilal et Talal Hai Hussein, âgés de 22, 24 et 26 ans, qui ont été arrêtés chez eux devant leur mère et leurs sœurs à Sarmin au petit matin le 23 mars 2012. Les soldats ont abattus les frères d’une balle dans la tête dans la rue devant leur maison et ont mis le feu à leurs corps qu’ils ont laissé brûler. Selon leur famille et les activistes locaux, ces trois frères, tous travailleurs dans le bâtiment, n’étaient pas des combattants mais étaient présents lors des manifestations. Leur mère a déclaré à Amnesty : « Ils ont tué mes fils, la plus chère des choses que j’ai eue, et puis ils ont profané leurs corps en les brûlant. Comment une mère peut supporter une telle douleur?  »

Dans les régions d’Idlib et d’Alep où Amnesty a mené ses recherches de terrain pour ce rapport, les combats ont atteint le niveau et l’intensité d’un conflit armé non international. Cela signifie que le droit de la guerre (le droit humanitaire international) s’applique et que nombre des violations reportées reviennent à des crimes de guerre.

Toutes ces violations des droits humains et du droit international montrent à quel point il est urgent que la communauté internationale agisse avec fermeté pour enrayer les attaques de plus en plus fréquentes lancées contre les civils par les forces gouvernementales et des milices agissant en toute impunité.

Des résolutions concrètes sont urgentes pour arrêter la spirale croissante de violence en Syrie. Parmi d’autres choses, Amnesty International en appelle à la communauté internationale en premier lieu pour  que les Nations unies imposent immédiatement un embargo sur les armes à la Syrie dans le but de stopper les transferts d’armes et d’équipements militaires aux forces gouvernementales syriennes. C’est la première des urgences. Elle appelle également la communauté internationale à négocier et adopter un traité international fort sur le commerce des armes en juillet prochain pour éviter que se répètent de telles pertes catastrophiques en vies humaines.

13
Juin
12

En RDC, les armes alourdissent le bilan d’un conflit qui perdure depuis plus de vingt ans

Amnesty International publie cette semaine un rapport intitulé « If you resist, we’ll shoot you » (Si vous résistez, nous vous tirerons dessus) pour dénoncer les violations des droits humains commises en République Démocratique du Congo (RDC) par les forces de sécurité congolaises ainsi que par les groupes armés. Des violations facilitées par la disponibilité et l’accès à une importante quantité d’armes et de munitions dans le pays.

Depuis plus de vingt ans, la RDC est en proie à un conflit armé qui a causé la mort de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Des crimes répréhendés par le droit international tels que des homicides illégaux, des disparitions forcées, des actes de tortures, des violences sexuelles ont été commis à une large échelle par des groupes armés nationaux et étrangers ainsi que par des milices. Un rapport des Nations unies publié en octobre 2010 a recensé plus de 600 cas de sérieuses violations du droit international humanitaire qui auraient été perpétrées entre mars 1993 et juin 2003 incluant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Les forces de sécurité congolaises et les groupes armés ont continué depuis à commettre de similaires violations en toute impunité.

C’est particulièrement le cas dans l’est de la RDC où des groupes armés et les forces gouvernementales ont été responsables d’exécutions extrajudiciaires de nombreux civils. Des viols et d’autres formes d’abus sexuels sont très largement rapportés. Un nombre important d’enfants continue d’être recrutés comme soldats pour des groupes armés tels que la LRA (l’Armée de la Résistance du Seigneur de Joseph Kony).

Après de violents affrontements entre les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), des déserteurs et des groupes armés dans le nord et le sud de la région du Kivu en avril et mai 2012, le nombre de personnes déplacées a atteint les deux millions.

Toutes les parties au conflit ont pu commettre ces graves violations des droits humains en raison de la facilité avec laquelle ils peuvent se procurer armes et munitions. En 2003, dans le but de résoudre ce problème, le Conseil de Sécurité des Nations unies a imposé un embargo sur les armes à destination de tous les groupes armés opérant dans les régions du nord et sud Kivu ainsi que dans l’est de la RDC. Un embargo qui sera assoupli en 2008 malgré la poursuite des violations. Cette levée des restrictions a eu des répercussions majeures en termes de prolifération et d’utilisation abusive des armes dans le pays.

Au cours des dernières années, les autorités congolaises ont importé un large éventail d’armes, de munitions et d’équipements connexes auprès de plusieurs États. Parmi les principaux fournisseurs d’armes, on retrouve la Chine, les États-Unis, la France ou encore l’Ukraine.

Malgré le risque substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre de graves atteintes aux droits humains ou des crimes de guerre en RDC, ces Etats fournisseurs ont approuvés tous ces transferts. Cette fourniture d’armement et de munitions aux forces gouvernementales est également devenue la principale source d’armes pour les groupes armés opérant dans l’est de la RDC en dépit de l’embargo du Conseil de Sécurité de l’ONU.

En RDC comme trop souvent ailleurs, ce sont les civils qui sont les premières victimes de l’absence de contrôle, du détournement d’armes et de l’impunité. En octobre 2008, le Congrès national pour la défense du Peuple (CNDP) a attaqué la ville de Kiwanja, faisant 150 morts parmi les civils, quelques jours après avoir pillé un dépôt des FARDC à Rumangabo, dans l’est du pays, où il s’était emparé d’un grand nombre d’armes. Les soldats sont allés de maison en maison, sortant de force des jeunes hommes avant de les poignarder à mort ou de les abattre d’une balle dans la tête ou dans la poitrine. Laurent Nkunda, alors leader du CNDP, a déclaré fièrement lors d’un entretien avec Amnesty International en 2008 : « J’ai pris Rumangabo deux fois. Il est impossible de compter le nombre d’armes dont nous nous sommes emparés à ces occasions, il y en avait tellement. « Après le premier pillage, les FARDC ont refait le plein, avec des armes de tous calibres : des batteries antiaériennes, des armements antichars. C’est le gouvernement qui me les a donnés. Je voudrais remercier la Chine, pour avoir fourni toutes ces armes aux FARDC. »

Les transferts continus d’armes vers les mains abusives en RDC souligne le besoin urgent de renforcer le système d’embargo des Nations unies  et de le compléter par un traité sur le commerce des armes qui sera un outil efficace pour empêcher les transferts d’armes illégaux et irresponsables. Amnesty International prône l’adoption d’un traité qui impose aux États fournisseurs de mener des évaluations rigoureuses, au cas par cas, du risque posé par tout transfert d’armes envisagé.

En juillet 2012, 193 États sont invités à négocier le texte de ce traité international au siège des Nations unies à New York. Pour Paule Rigaud, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International, « La situation en RDC met le doigt sur l’impérieuse nécessité pour les gouvernements d’adopter un traité sur le commerce des armes (TCA) de portée mondiale, lors des négociations finales qui se dérouleront aux Nations unies au mois de juillet. »

07
Juin
12

Le business mortel du salon Eurosatory

Le 11 juin prochain s’ouvrira à Paris le salon Eurosatory qui va réunir les principaux acteurs du secteur de l’armement. C’est le plus grand salon international, le seul dédié essentiellement à la défense et à la sécurité terrestre et aéroterrestre. A Eurosatory, le visiteur vient faire son marché. En effet, ce salon d’exposition présente un étalage de produits couvrant toute une gamme qui va du véhicule (chars de combat, blindés, camions…), aux armes légères (armes à feu, missiles, couteaux….) en passant également par les systèmes de communications, les tenues, ou encore les services logistiques. Autrement dit, c’est la foire aux armements,  tous les pays se retrouvent pour faire leurs emplettes. Etats-Majors, officiels comme moins officiels, il en va ainsi des fameux intermédiaires ou marchands d’armes de tout poil.

L’ampleur d’Eurosatory se mesure à sa capacité d’attraction. Ce sont pour l’année 2010 plus de 1 300 exposants de 54 pays dont 70% internationaux, plus de 1500 matériels et systèmes d’armes majeurs, 54 000 visiteurs professionnels de 130 pays dont 46% internationaux, des délégations officielles venues de tous les continents … Depuis la première exposition il y a vingt ans, le nombre d’exposants n’a cessé d’augmenter. Cette année est particulière puisque le salon se tient  à quelques jours de l’ouverture d’une conférence des Nations unies (2-27 juillet) destinée à responsabiliser la vente d’armes dans le monde en adoptant un traité international sur le commerce des armes classiques.

Une large partie des exposants du salon est de nationalité européenne, aux côtés également des Etats-Unis, de la Chine, et de la Russie. Les pays membres de l’Union Européenne ont adopté en 1998 un « Code de conduite en matière d’exportations d’armement ». Ce texte vise d’une part à promouvoir  la transparence et la responsabilité des États membres dans les transferts d’armes vers des pays tiers et d’autre part, l’harmonisation des politiques d’exportation de matériels de guerre. Fin 2008, ce Code de conduite est devenu une Position commune grâce à la mobilisation des ONG de la plate-forme française Contrôlez les armes : cette transformation confère au texte une valeur juridiquement contraignante pour les États parties.

La Position commune démontre la volonté des pays européens à être vigilants quant aux destinataires finaux de leurs équipements militaires. Ils ne sont donc pas censés exporter n’importe comment et à n’importe qui. Et pourtant, plusieurs conflits armés de ces dernières années nous ont prouvé le contraire d’où la nécessité d’un traité sur le commerce des armes. En effet, très récemment, en Libye, il a été retrouvé des armes européennes. Amnesty International a recensé 10 États européens dont le gouvernement a autorisé la livraison d’armements divers, de munitions et de matériels connexes à la Libye. Rien qu’en 2009, un an après l’adoption de la Position commune, les Etats européens ont vendu pour plus de 340 millions d’euros d’armes au régime de Mouammar Kadhafi. L’entreprise allemande Heckler & Koch a notamment vendu à la Libye des fusils d’assaut G36 qui ont été utilisés par les forces pro-Kadhafi durant la répression. Cela n’empêchera pas cette société d’être une nouvelle fois présente dans les allées d’Eurosatory cette année.

La Libye n’est pas le seul exemple où des pays européens ont vendu des armes à des Etats qui les ont utilisées contre leur population par la suite. Les pays du Printemps arabe, qui ont réprimé de façon violente et souvent meurtrière les manifestations de leurs citoyens, étaient souvent munis d’armes européennes. L’Egypte, qui a utilisé des armes contre les manifestants, est équipée d’équipements provenant d’Autriche, de Belgique, de Finlande, de France, d’Allemagne, d’Italie ou encore du Royaume-Uni.

La France comme l’Union Européenne dénoncent aujourd’hui les ventes d’armes de la Russie au régime de Bachar al-Assad. L’un n’empêchant pas l’autre, la Russie a également était invitée à participer au salon avec l’entreprise Rosoboronexport,  fournisseuse d’armes de la Syrie. A noter également qu’un stand libyen sera présent sur le salon quand le pays est encore sous un embargo sur les armes des Nations unies. Autre fait : entre 2005 et 2009, plusieurs Etats européens ont également vendu des armes à la Syrie. Ces pays seront tous présents au salon Eurosatory la semaine prochaine, prêts à passer de nouvelles commandes avec des Etats s’avérant parfois peu respectueux du droit international et du droit international humanitaire. Parmi eux, l’Italie qui sera représentée par la société Selex Galileo et qui tiendra son stand au salon cette année, elle qui a vendu à la Syrie des systèmes de conduite de tir  destinés aux chars des forces de sécurité syrienne, chars utilisés dans le cadre de la répression comme à Hama.

Un traité sur le commerce des armes pourrait permettre d’empêcher les transferts d’armes vers des pays où il existe un risque substantiel que celles-ci soient utilisées pour commettre des violations des droits humains et des atrocités. Un tel texte est à portée de mains, la conférence s’ouvre aux Nations unies dans 25 jours !  Le business des armes ne s’arrêtant jamais, se tiendra en même temps que la conférence des Nations unies sur le traité sur le commerce des armes  le salon de l’armement aéronautique de Farnborough au Royaume-Uni.