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1ER AOUT 2010 ENTREE EN VIGUEUR DE LA CONVENTION SUR LES ARMES A SOUS MUNITIONS

La Convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions, entre en vigueur le 1er août 2010 grâce à la ratification du 30ème État, le Burkina Faso.

Pourquoi était-ce nécessaire de s’engager dans l’élaboration d’une convention d’interdiction des armes à sous-munitions ?

Ces armes comme les bombes à sous-munitions par exemple (BASM), existent depuis la guerre froide. Elles sont considérées comme des armes classiques et doivent être employées conformément aux règles du droit international humanitaire. Quatre grands principes fondamentaux doivent être respectés : le principe de distinction, de proportionnalité, d’interdiction des maux superflus et des souffrances inutiles ainsi que le principe d’humanité. Or comme l’indique Peter HERBY, chef de l’unité armes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les États ont des difficultés à appliquer ces règles car, « le manque de fiabilité et l’imprécision de ces armes, l’emploi ciblé et proportionnel en est pour ainsi dire impossible. C’est pourquoi il faut des règles spécifiques qui en régissent l’emploi. »

En effet, comme l’indique Handicap International, la particularité de ces armes tient dans leur utilisation imprécise. Il s’agit d’armes composées d’un conteneur regroupant jusqu’à plusieurs centaines de mini bombes appelées sous-munitions. Ces dernières sont conçues pour se disperser sur de larges surfaces, dès lors, la plupart du temps même lancées sur des cibles militaires, elles atteignent souvent des zones civiles. Mais le problème que pose ces armes ne s’arrête pas là. En effet, entre 5 et 40% des sous-munitions n’explosent pas lorsqu’elles touchent le sol, et comme pour les mines antipersonnel, elles peuvent exploser au moindre contact faisant des victimes parmi les civils, et souvent les enfants, qui sont intrigués par ces objets de couleurs vives. 98 % des victimes des sous-munitions qui agissent de facto comme des mines sont des civils.

Ces armes ont été utilisées dans de nombreux conflits tels qu’en Afghanistan, au Kosovo, en Irak et au Sud-Liban.

C’est le conflit au Kosovo qui a amené le CICR en 2000 à prendre l’initiative d’élaborer un protocole additionnel à la Convention de 1980 sur certaines armes classique. Il prévoit que chaque partie à un conflit armé doit enlever les munitions non explosées qui après la fin des hostilités continuent de menacer les populations civiles, ou apporter une assistance aux États parties qui le demanderait (Protocole V  relatif aux restes explosifs de guerre entré en vigueur en novembre 2006[AI2] ). Néanmoins, cette mesure n’a pas eu un grand succès et était loin de répondre à la problématique des armes à sous-munitions. C’est avec le conflit au sud Liban (août 2006) que la nécessité d’agir est devenue évidente et pressante. Chris Clarke, qui dirige le Centre de coordination des Nations Unies pour l’action contre les mines au Liban indique que « le conflit de 2006 au Liban a donné lieu à une contamination par sous munitions jamais vue par le passé. La plupart ont été larguées, selon nous, dans les 72 heures précédant la fin du conflit ». 4 millions de sous-munitions ont été dispersées, et 1 million n’ont pas explosées. 

C’est à partir de là que sur l’initiative de la Croix-Rouge norvégienne, le gouvernement Norvégien prononce un moratoire sur l’utilisation de ces BASM dans l’attente d’une interdiction au niveau international. Le CICR va dès lors en 2007 recommander l’élaboration d’un nouveau Traité allant plus loin que le Protocole V de la Convention sur certaines armes classiques, car il devra interdire « d’employer des armes à dispersion imprécises, peu fiables, à interdire leur emploi contre tout objectif militaire situé dans une zone peuplée, à détruire les stocks existants et, d’ici à leur destruction ne plus transférer ces armes dans d’autres pays.» La particularité de ce Traité tiendra également au fait qu’il devient une référence en matière d’assistance aux victimes, car il prévoit une « assistance garantissant de manière suffisante la fourniture de soins aux victimes et leur réadaptation, la dépollution des zones contaminées, l’éducation à la réduction des risques et la destruction des stocks». En février 2007, 46 pays ont adoptés la « Déclaration d’Oslo » afin d’aboutir à la conclusion d’un Traité, et le 3 décembre 2008 la Convention sur les armes à sous-munitions est signée par 94 États et ratifié par 4.

Quelques chiffres (Handicap International France) :

  • Les civils, premières victimes des sous munitions :

victime d'une bombe à sous munition

-100 000 victimes estimées, 13 306 recensées entre 1965 et 2007.

-98% des victimes recensées sont des civils. 76,8% sont des hommes, 27% sont des enfants.

  • 33 pays et territoires sont affectés par la présence de sous-munitions non explosées en 2009
  • 15 États ont utilisés des BASM depuis 1965 (États-Unis, France, Israël, Royaume-Uni, Russie…) Utilisation également par des groupes armés non étatiques.
  • 34 Etats ont produit des BASM depuis les années 50, dont 17 sont suspectées d’en produire encore en 2009.
  • Au moins 17 Etats ont exportés ou transférés des BASM vers au moins 60 Etats depuis les années 50.
  • Au moins 440 millions de sous munitions ont été déversées depuis 1965.
    Entre 22 et 132 millions de sous munitions n’ont pas explosées à l’impact.

Une utilisation toujours d’actualité des BASM.

Une bombe à sous-munitions BLU 97 intacte : le missile BGM-109D Tomahawk en transporterait 166

Malgré ce Traité qui entre en vigueur le 1er août, de nombreux États non parties utilisent encore ces armes. C’est ce qu’a dénoncé Amnesty International (AI) dans un communiqué du 7 juin 2010, concernant le bombardement d’un camp présumé d’Al-Qaïda au Yémen faisant 55 victimes parmi lesquelles 23 enfants, 17 femmes et 14 membres présumés d’Al-Qaïda. En effet, AI a publié les photographies d’un missile de croisière de fabrication américaine qui transportait des bombes à sous-munitions, prises après l’attaque du village d’al Maajala le 17 décembre 2009. Comme l’explique AI, « ces bombes portent une charge de 166 bombes à sous-munitions (petites bombes) qui explosent chacune en plus de 200 fragments d’acier tranchants pouvant causer des blessures dans un rayon de 150 mètres. Une substance incendiaire contenue dans la mini-bombe disperse également des fragments de zirconium destinés à mettre le feu aux objets inflammables se trouvant à proximité. » La commission parlementaire yéménite à d’ailleurs constaté que « toutes les maisons et ce qu’elles contenaient avaient brûlé ; il ne restait que des traces de meubles. »

fragment du propulseur d'un missile de croisière BGM-109D Tomahawk

Des sources anonymes du gouvernement américain sembleraient confirmer l’ordre donné par le président américain de lancer des missiles contre deux camps présumés d’Al-Qaïda au Yémen. Une règle du droit international humanitaire indique que les armes ne peuvent être utilisées pour frapper sans discrimination des objectifs militaires et des biens de caractère civil. Or dans ce contexte, il faudrait que le gouvernement américain démontre qu’il a pris toutes les mesures nécessaires afin de limiter les dommages aux civils, sinon il serait susceptible d’avoir violé le droit international humanitaire. Comme l’indique Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, « Une frappe militaire de cette nature contre des militants présumés, sans tenter de les arrêter, est pour le moins illégale. Au regard du grand nombre de femmes et d’enfants victimes de cette attaque, il est clair qu’elle était totalement irresponsable, notamment lorsque l’on sait que des bombes à sous-munitions ont probablement été employées

AI attend toujours une réponse du gouvernement américain quant aux précautions prises pour éviter des victimes parmi les civils. Alors même que de nombreux États tendent à rendre ces armes illégales, d’autres n’hésitent pas à les utiliser et à prendre le risque de bafouer les Conventions de Genève.

Prise de position de la France, contre les BASM

Avant même l’entrée en vigueur de la Convention d’Oslo, l’Assemblée nationale a adopté le 6 juillet 2010, la loi nationale d’application de la Convention en droit interne interprétée par le gouvernement français comme interdisant le financement direct et indirect des armes à sous-munitions. Depuis 2006, Amnesty International France (AIF) et Handicap International France (HIF), travaillent ensemble avec succès pour lutter contre le financement de la production et du commerce de BASM et de mines antipersonnel par les principaux groupes français . Le 15 avril 2010, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) s’est alliée aux recommandations émises par les deux ONG concernant l’interdiction du financement des BASM a intégré dans le projet de loi d’application de la Convention d’Oslo par le biais d’un avis au gouvernement. Lors du vote de l’Assemblée nationale, le gouvernement déclarait finalement que « toute aide financière directe ou indirecte, en connaissance de cause, d’une activité de fabrication ou de commerce de BASM constituerait une assistance, un encouragement ou une incitation tombant sous le coup de la loi pénale

Dans un communiqué de presse commun AIF/HIF, Thierry Philipponnat membre du Bureau exécutif d’AIF se réjouit de cette loi car « le gouvernement français avait toujours refusé de préciser que les interdictions de la Convention concernaient tout type de financement. » Il ajoute que cette déclaration « va permettre de s’assurer qu’en France plus personne, petit actionnaire ou grand groupe financier, puisse contribuer financièrement au développement de ces armes inhumaines. » Enfin, le gouvernement français à repris toutes les précisions à apporter au projet de loi proposées par les deux associations, soit par amendement, soit par déclaration. Notamment, il a pris l’engagement d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat avant la fin de l’année 2010 un projet de loi tendant à encadrer l’activité des marchands d’armes, 10 ans après son premier dépôt devant le Sénat. L’enjeu de ce projet de loi consistera notamment à ce qu’il englobe tant l’activité des transporteurs que des financiers.

L’entrée en vigueur de la Convention d’Oslo


Le 1er août 2010 , la Convention sur les armes à sous munitions entre donc en vigueur. En effet, signée le 3 décembre 2008, elle ne pouvait entrer en vigueur que 6 mois après que le 30ème État la ratifie. Le 16 février 2010, le Burkina Faso est devenu le 30ème État partie au Traité. Le 1er août la Convention deviendra juridiquement contraignante pour tous les États parties qui sont à ce jour au nombre de 37.

D’après Peter HERBY, le fait que seulement 15 mois séparent la signature de la 30ème ratification de la convention, est encourageant pour la suite, cela « démontre l’élan suscité par la Convention et aura sans doute pour conséquence d’accélérer les processus de ratification engagés dans d’autres États. » À partir de là, différentes étapes vont se succéder pour les Etats parties, ils vont devoir mettre en œuvre les obligations découlant du Traité:

  • « adopter des lois et des règlements nationaux qui garantissent sa mise en œuvre à l’échelon national ;
  • déterminer quelles ressources seront nécessaires pour assurer la dépollution des zones contaminées, la destruction des stocks existants, une assistance aux victimes et une coopération internationale en vue de réaliser les objectifs du traité ;
  • les États possédant des stocks d’armes à sous-munitions devront établir des calendriers pour la destruction complète de leurs stocks dans un délai de huit ans et entamer le processus de destruction ;
  • Ceux qui sont touchés par la présence de sous-munitions non explosées sur leur territoire seront tenus de définir des plans d’action spécifiques pour s’acquitter de leur obligation de dépolluer les zones contaminées dans les délais impartis par la Convention et pour honorer les engagements ambitieux qu’elle contient à l’égard des victimes et de leurs communautés. »

Mais le plus grand challenge que ces États vont devoir remporter, c’est de promouvoir cette Convention afin que tous les États la ratifient, et que ces BASM ne soient plus un danger pour les civils, les membres des opérations de maintien de la paix et le personnel humanitaire. Ce qui sera l’enjeu de la première conférence des États parties qui se tiendra en novembre prochain au Laos.


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